Fenu Paints
As an aside Jade Fenu mentions that the job of the artist is to paint, not to make paintings. It’s an interesting distinction that might not make sense for an artist focused on meticulously recreating a glimpsed scene or producing effective illusion, but Fenu is neither of those. His gestures and process lay front and center, varying from full motion abstractions to figurative narratives set in melting, swirling splattered landscapes. In some the normally all important features of identity such as faces and hands become obscured, consumed by incident of mood and color. In others plants become the powerhouse transmitters of vibrancy and quilts of hues that can barely stay attached to their respective leaf and stem. Underneath these surfaces there’s a tactile explosive jungle of ideas, conflicts and motions struggling to fend off opposing forces, survive and prosper. As Jade suggests the paint and subject seem caught in the act of expression, not yet complete and therefore capable of further mutation and interpretation, still alive becoming rather than dormant and captured, evocations of beginnings or middles with barely a hint of the end game. If you are looking for safe passage to comfort and foregone conclusions, this isn’t the place. If you can live with definitive moves and doubt basting in promise and ambiguity while questions and hints mix with one another side by side, Fenu’s searches on canvas might make an excellent launch pad for headlong dives into something recognizably visceral, open ended and deceptively disquieting.
(from- “Inkwelder Comments”)
Parisien d’origine italienne, autodidacte, je me suis dédié entièrement à la peinture il y a
plusieurs années. Je participe depuis à des expositions en France et à l’étranger. J’utilise des
techniques mixtes, principalement l'huile, l'acrylique, la bombe de peinture et les collages
d'affiches imprimées à partir de mes propres photos de matières diverses en gros plan. Mon
travail mêle improvisation et composition: je laisse surgir et émerger des formes amorçant
leur propre narration, puis vient un moment où je court-circuite cette spontanéité, en
utilisant une palettes de "processus" sur la toile: défiguration, ponçage, grattage, bombage
ou encore effacement, déchirement, recouvrement... Je cherche à réconcilier en permanence
tout au long de la composition une forme d’expression initialement vierge de toute
caractérisation préalable et une intentionnalité beaucoup plus personnelle. Je m’arrête
lorsque le tableau trouve son autonomie et qu’il me permet de saisir une autre réalité que la
mienne.
Dans ce processus, je dois trouver comment lâcher prise pour laisser advenir des erreurs,
des accidents de parcours, qui vont d'abord me déstabiliser, me faire douter, m'amener dans
des voies qui semblent sans issue. Mais ces apories sont finalement autant d'opportunités qui
s’ouvrent à moi pour emprunter de nouvelles directions. Comme dans une suite
d’embranchements que l'on ne voit pas venir, c'est alors à moi de choisir le chemin que je
veux suivre, transformer la déveine en revendication, faire du sacrifice d'une couche de
peinture l'humus (le terreau fertile) de la suivante, l'histoire et l'énergie de chacune restant
alors indissociables. L’équilibre s’établit inexorablement entre ce qui apparaît et ce qui
disparaît.
De ce "bio-mimétisme" entre l'art et la nature découlent les thèmes récurrents de mon
travail. L'infinité et l'infinitude d'une nature abstractisée illustre paradoxalement notre
condition humaine: adaptation, évolution, transformation, et même mutation de nos
identités, individuelles et collectives. Des notions telles que la survie, la dualité, le rapport de
force se confrontent et se superposent dans un seul et même espace visuel. En poussant
encore plus loin cette idée, je m'aperçois que cette confrontation révèle tout autant notre
indélébile anthropomorphisme. Je suis citadin urbain depuis toujours, et je suis malgré moi
constamment « subjugué » par la surconsommation qui m’entoure, en captation permanente
de l’attention. Je retranscris visuellement cette profusion dans mes tableaux, à la limite de
l'asphyxie par moment, par une saturation de couleurs, l’intrusion de dégradés acidulés, une
abondance de mouvements et de propositions, des coulures comme des fondus, des
transparences comme du papier cristal… Finalement ce qui m’intéresse c’est cette nature
contrariée dans tous les sens du terme.
JF.
La peinture comme déséquilibre.
Transposition, recouvrement, jaillissement : la méthode de travail de Jade Fenu se caractérise par ces trois moments. L’artiste commence par transposer sur une toile, de format souvent carré, une image trouvée au hasard de ses recherches sur internet, une sorte d’image ready-made dont le choix n’est dicté par aucun critère positif, mais procède au contraire de critères laissés au hasard. Le motif, la plupart du temps figuratif, est ensuite recouvert par une série de couches, d’ajouts pour finir par disparaître presque entièrement, happé dans une déflagration de couleurs. Pourtant, à bien y regarder, derrière les superpositions de couches de peinture et les larges coulées de couleurs vives pulvérisées à la bombe, persistent des traces de cette première figure : une main, un visage, un buste... La tension entre figuration et abstraction semble régir la toile, pourtant c’est moins leur opposition que leur nécessaire coprésence qui intéresse Jade Fenu. Son travail consiste d’une certaine façon à « fondre le figuratif dans l’abstrait ». Pour lui, toute trace -même la plus abstraite- est d’ailleurs toujours le début d’une narration. Dans ses toiles, les figures amorcent donc une narration qui se trouve successivement court-circuitée et relancée par son travail de recouvrement et de défiguration. Comme le pied qui émerge de la toile chaotique de Frenhofer dans Le chef d’œuvre inconnu de Balzac, il y a toujours un fragment figuratif qui subsiste dans les tableaux de Jade Fenu. La figure ne représente cependant pas le centre de gravité de la toile, mais un simple reste, une trace de l’image initiale. L’essentiel se trouve ailleurs, dans le geste parfois violent qui consiste à raturer, à effacer sa propre peinture ; dans l’énergie, dans le mouvement qui anime la toile et la déséquilibre. En ne suivant aucun programme préétabli, en rejetant toute hiérarchie (ni haut, ni bas ; ni premier, ni second plan ; ni fond, ni forme), mais en se laissant au contraire guider par les multiples accidents qui surviennent à la surface de la toile, Jade Fenu parvient ainsi à faire surgir de manière saisissante la matière, les volumes, les contrastes, la couleur, la luminosité de la peinture.
Géraldine Sfez 2015